Le
comité technique de l'association "L'Ardoise", constitué
de : Ainsi
que : Ont
réalisé, le Samedi 30 Août 2003, une visite de
la Mine Bleue et de quelques sites "phares" du patrimoine
minier du Haut-Anjou Segréen. |
La
journée débute à la mairie de Noyant-la-Gravoyère
où nous sommes accueillis par M. Daniel DUPUIS, maire de la commune
qui nous informe de la situation de la "Mine Bleue", anciennes "Ardoisières
Angevines de Saint-Blaise" (1916-1936), dites aussi de La Gatelière
du nom du hameau voisin.
Ce site d’interprétation de l’ardoise ouvert en 1991 a
connu un grand succès de fréquentation (plus de 100 000 visiteurs
au début, palier de 70 000 ensuite), lié à l'intérêt
de la visite d'une authentique mine accessible à 126 m de profondeur
par des moyens mécaniques, prestation unique en France et rare en Europe.
Le pari d’une diversification touristique engagé par la commune
sur fond de crise et de reconversion d’un bassin minier, l’idée
associative de valoriser un site authentique, un énorme travail bénévole
et le réemploi de mineurs licenciés, avaient alors abouti.
Pourtant la "Mine Bleue" a fermé en 2000, la commune de site
ne pouvant, seule, faire face à un déficit d’exploitation
incluant le remboursement d’un lourd investissement, où la part
des autres collectivités territoriales et de l’Etat a été
trop faible. Aujourd’hui se posent les questions de la sauvegarde de
ce site ressuscité, de son entretien au quotidien, de sa ré
exploitation comme outil exceptionnel de culture ardoisière et de développement
régional.
Le Comité Technique sur le carreau de la Mine Bleue :
B. MELLIER, D. LARRIBE, F. MARTIN, J. BOISNARD, 2 mineurs, A. BARBAZA et Ph.
CAYLA
(Photo : Ch. GESLIN)
Un groupe
d’anciens mineurs, dont Jean-Claude BELAIS, René LUETTE, Auguste
TROUESSARD, Victor DAVENEL ancien chef clerc, assument bénévolement
l’entretien et des visites régulières de sécurité
du fond, en réalisant ainsi un suivi. Leur expérience et notre
visite confirment que dans ce contexte de non exploitation industrielle, le
terrain ne bouge pas de manière significative. L'entretien consiste
donc essentiellement à pomper les eaux d'infiltration. Dans ce quartier
minier d’une vingtaine de chambres d’extraction façonnées
dans un domaine schisteux imperméable, l'exhaure n'est pas très
important, quelques mètres cube par jour.
En surface, les installations, l’ancienne chaufferie réemployée
en salle-musée interprétative du site et de l’ardoise,
les cabanes de l’atelier de plein air de fente de l’ardoise sont
toujours là, mais marqués par l’abandon d’un entretien
quotidien alors que l’oxydation attaque le matériel exposé
en surface, train de wagonnets, locos, chargeurs et autres objets. Le terrain
qui retourne à la friche de bouleaux dans l’ancienne butte de
travail, est entretenu dans ses accès aux installations de descente.
Deux
mineurs nous introduisent à la descente et à la visite pédestre
du fond, les deux moyens mécaniques, plan incliné et cabine
treuillée et la cage d’accès vertical étant actuellement
"désarmés". Nous descendons donc les 650 marches de
la descenderie à 37°, celle de 1916. Elle est adaptée pour
accueillir un funiculaire moderne, en fait chariot tracté par un treuil
hydraulique informatisé, fournissant un accès très réaliste
à la mine sous la perspective vertigineuse d’une voûte
de briques et de schiste.
Arrivés au fond, équipés d'un plan, nous entamons notre
visite à pied, le petit train minier d’accès aux chambres
étant lui aussi désarmé. Si l'électricité
fonctionne en sécurité, l’éclairage individuel
est nécessaire à l’inspection des travers bancs, galeries
collectrices et chambres où la mise en scène lumineuse et sonore
est coupée ou altérée par l’humidité. Pourtant
celle-ci reste faible, l’aérage étant efficace dans le
circuit principal comme en témoignent le bon état des armoires
électriques.
Notre inspection a porté sur les deux parcours de visite élaborés à l’intention du public que nous présentons d’abord dans leurs contenus.
Le
parcours principal exprime les techniques d'extraction et la vie du mineur,
sociale et familiale, en un témoignage scénographié de
la méthode à remonter dans la voûte (la plus utilisée
en Anjou fin XIXe et courant XXe siècles). Le spectacle, scénettes
de type son et lumière, s’appuie sur quatre chambres de morphologie
différente exprimant les stades successifs de l’ "abatage"
et du débitage du schiste ardoisier mise en valeur par la lumière
rasante. Un ensemble qui plait fort au public.
Le deuxième parcours présente le voyage au centre de la terre
de Jules Verne. Cette prestation censée attirer un nouveau public,
n'a jamais vraiment marché, trop mal intégrée au site
et à sa thématique. La mise en scène exprimant au premier
degré la fiction de 1863, ignore le monde rocheux ambiant des trilobites
et poissons cartilagineux de l’ordovicien. Faute d’un minimum
de présentation de l’univers souterrain géologique, la
vision du visiteur, celle mythique de la terre creuse du roman, n’est
pas redressée, ni par la réalité des lieux ni par 140
années de progrès scientifique. L’idée et l’outil
restent toutefois intéressants, à remettre en scène sur
la double détente de la fiction et de la médiation scientifique
au travers de la spectaculaire vérité géologique corrélée
à l’ardoise.
La structure géologique et minière souterraine de ces parcours de visite – pour ce que l'on en a vu – est dans un état tout à fait satisfaisant. Cela confirme ce que les personnes chargées de l'entretien nous avaient annoncé. Il faut dire que de très gros efforts de sécurisation avaient été effectués lors de l’aménagement de la mine en 1990. Le boulonnage et la pose de blindage et grillages, intacts, sécurisent largement les passages et lieux de stationnements du public. Aucun souci à se faire pour les quelques années à venir. En dehors des cette partie très sécurisée, des cœurs dans la voûte (blocs de schistes situés entre deux failles sécantes ouvrant vers le bas) et des feuilletis (des parois et chefs de la chambre), très bien repérés, peuvent faire évoluer les chambres, représentant des risques limités sous condition de suivi par des visites de sécurité de professionnels compétents (suspendues actuellement).
L’aérage
et en conséquence l’humidité des deux parcours montrent
des aspects différents. Le parcours minier est dans un bon état
de conservation. Le gros du parcours étant en zone aérée
et sèche ; Le temps semble figé depuis la fermeture, ce qui
n’empêche pas la scénographie de vieillir.
Le deuxième parcours est dans un mauvais état faute d’un
aérage suffisant, bois altérés de moisissures et champignons,
objets métalliques rouillés ou oxydés par l'humidité.
Après
environ 4 heures de déambulation, nous remontons le plan incliné.
Un vrai exercice de santé !
Nous déjeunons, puis nous partons faire le tour de quelques sites miniers exceptionnels du Haut-Anjou.
Première étape : le carreau de Bois II, à l’ouest de Segré, à Nyoiseau et Noyant-la-Gravoyère
Les
mines de fer du XXe siècle ont laissé de nombreux vestiges.
Un promeneur ne peut être que saisi par l'ambiance qui se dégage
de l'endroit. Entre le magnifique chevalement à poutrelles métalliques
de 1934 et la plus moderne tour d'extraction en béton armé de
1964, des formes de bâtiments industriels émergent des friches.
Nous y rencontrons des artistes, dont Florent MAUSSION, qui ont investi les
lieux. Quelle source d'inspiration inépuisable, n'est-ce pas ? Leur
atelier est dans le bâtiment appelé "Centrale 2", ancienne
salle de la machine d’extraction et des compresseurs de Bois II (démontés,
sauf un treuil de secours). Nous faisons également la connaissance
de Pierrot ROLLAND, ancien mineur de fer. Dans un franc-parler inégalable,
il nous livre quelques anecdotes de la mine, au milieu même de l’ancien
vestiaire des porions !
Question d’un diagnostic pertinent par des spécialistes ayant
l’expérience de ce type de structures métalliques (analyse
et restauration) et de leur évolution, qu’il s’agisse du
bâtis à colombage de Centrale III (bâtiment de la machine
d’extraction et des compresseurs encore en place) ou des charpentes
du chevalement de Bois III et de son usine adjacente de traitement du minerai
de fer. Personnes compétentes recherchées !
Environnées de bois, les cités ouvrières sont le pendant
social du carreau, perspective de pavillons des années 1920 close par
la chapelle des mineurs abritant la fresque des deux chevalements métalliques
des années 1950.
Deuxième étape : la descenderie de l'Oudon, au carrefour de l’Europe, entrée Est de Segré
Là encore, le signal est un chevalement, plus petit mais caractéristique, qui surmonte le plan incliné. Il serait intéressant d'en explorer les dessous en spéléo, galeries hautes d’extraction du minerai de fer, hors d’eau. C'est le seul et dernier endroit accessible pour visiter les anciennes mines de fer aux autres travaux obturés.
Troisième étape : le chevalements en bois de La Pouëze
Notre
journée se termine à La Pouëze, plus au Sud, où
nous observons l'un des derniers chevalements en bois de France (il en existe
un autre) édifié en 1923. La structure fatigue, quelques poutres
maîtresses pour sa stabilité ont lâché et leurs
pieds se tassent. Côté sud, une poutre médiane est brisée,
laissant en l’air un des étançons porteur de la carrée
et des molettes. L’ensemble risque l’effondrement cet hiver. Ce
chevalement, inscrit Monument Historique, doit faire d’urgence l’objet
d’une consolidation avant restauration.
AVIS du groupe, à l'issue de la journée.
La réouverture de la Mine Bleue
Le groupe a été heureusement
surpris de l'état de conservation de la Mine Bleue. Le fond, aspect
scénographié du parcours Jules Verne excepté, est en
assez bon état. Les installations de surface connaissent certes, les
outrages de la météorologie, de la végétalisation
liés à un certain manque d’entretien, mais les bâtiments
sont sains.
Des subventions, départementales et aussi communales (électricité,
interventions techniques lourdes), le bénévolat des anciens
mineurs permettent de garder le site dans son état actuel.
Des travaux de réouverture s’imposent
: il faudra toiletter, réviser les installations du site, fond et surface,
refaire les scénographies.
Un bilan et étude de marché financés par la Conseil Général
ont confirmé le bien-fondé de cette réalisation, avec
un public potentiel de l’ordre de 70 000 visiteurs par an. Mais cela
implique un remboursement ou prise en charge externe de la part d’investissement
restant à amortir.
Après quelques années de "blues", l'avenir de la Mine Bleue se présente en somme, plutôt "rose", puisque sa réouverture est devenue un objectif départemental pour le Maine-et-Loire et aussi pour le pays "Haut-Anjou Segréen" qui retient la valorisation du patrimoine industriel dans son contrat de développement avec pour partenaires le Département de Maine-et-Loire, la Région Pays de la Loire, l’Etat, l’Europe (fonds). NDLR (15/10/2006) : la réouverture est programmée pour le printemps 2007.
Mais
en dehors du bon aboutissement de ce projet de relance, des questions se posent
:
- en relation avec la date de "reprise", celle de la relève
des mineurs chargés de l'entretien, pourront-ils assurer leur tâche
jusque là ? Seront-ils ensuite remplacés par des personnes aussi
compétentes et assez formées au métier pour gérer
le suivi des travaux au fond ? Peut-être du côté des ardoisières
d'Angers…
- question de la formule de valorisation de ce lieu de mémoire, "Mine
Bleue", anciennes "Ardoisières Angevines de Saint-Blaise".
Si le risque d’un "Disneyland" angevin est peu probable, une
dérive n’est pas impossible affadissant son authenticité.
Un conseil scientifique et technique regroupant anciens mineurs, chercheurs
en patrimoine industriel, historiens, géologues, représentants
d’association locales et de pays (dont L'Ardoise), serait à associer
au groupe de pilotage du projet (collectivités concernées, DRAC)
et aux exploitants du musée. Son intervention est nécessaire
pour réaliser une scénographie certes plaisante et efficace
pour tous les publics, mais surtout fondée car étudiée
aux sources du sujet. Elle l’est aussi pour travailler sur des expositions
et rester dans l'esprit d'un site patrimonial et de médiation scientifique
(rôle du parcours Jules Verne) comme pour établir des relations
en réseau (d’interprétation, de coopération) avec
les autres sites de patrimoine ardoisier et minier. En particulier, un partenariat
avec le musée de Renazé tout proche est indispensable, tout
comme avec le site d’Angers-Trélazé en passant par les
chemins de l’ardoise (Châtelais, St-Michel et Chanvaux, Angri,
Vern, La Pouëze ...). Une unité patrimoniale du bassin synclinal
de Segré, fer-ardoise est à créer, en termes de forte
proximité et complémentarité, dont promenades et parcours
interprétatifs avec l’Oudon, Bois I, II et II pour le fer, en
liaison avec Noyant-Mine Bleue-Misengrain et Bel-Air de Combrée pour
l’ardoise.
Dans ce cadre et conformément à
ses actions et propositions, l'association "L'Ardoise" s'engage
pleinement et souhaite pouvoir fournir aux actuels responsables de ces sites
(collectivités territoriales principalement) et futurs gestionnaires,
les compétences techniques, patrimoniales et historiques dont elle
dispose.
Pour la rédaction,
F. Martin, Ph. Cayla